Au départ ( février 2016)


     J’ai rdv avec Sylvain C. mon audioprothésiste pour de nouvelles prothèses , les dernières Phonak.
Il me dit que nous allons mettre les cartes sur table : que ce sera les dernières prothèses puis il ne pourra plus rien faire pour moi. Il faut penser à l’implant mais si cela doit se faire ce sera à Lille par le professeur V. Il peut me faire une lettre pour obtenir un rdv au CHU et passer les tests. Je pleure, je pleure...
J’ai tant redouté cette conversation pendant des années. On en avait déjà discuté mais sans nous y attarder. Je répondais qu’on verrait...Une plaque dans la tête, non merci !
Il me demande d’y réfléchir sérieusement car ce sont vraiment les dernières prothèses après ce sera fini. Et je pleure, je pleure.
J’annonce tout ça par texto à O. ma grande sœur de cœur. G. joue au bar, où j’ai l’habitude d’aller, le soir, je ne veux pas sortir . Je veux être seule. Pas le temps de réfléchir, elle vient me chercher... et devant moi...tandis que j'écoute du Thiéfaine ...une fille double implant... cheveux rasés... oh là là... les larmes coulent. Je me dis que ce n’est pas possible, pourquoi veut il que je porte ce truc ?
Je sors fumer. Et je remarque la fille au double implant. On lui chuchote à l’oreille et elle ... répond ! Peut-être faut-il que je me remette en question? Je pleure, les yeux gonflés et rouges car C. a eu la fameuse idée de me filer un mouchoir parfumé à la menthe !

    L’implant cochléaire, j’en entends parler depuis des années. J’ai rencontré des enfants mais jamais d’adultes. Je me souviens avoir assisté à un séminaire sur la LSF, je devais avoir 22 ans, je me souviens des paroles de l’orateur « On ne change pas un pommier en poirier ». Cela m’avait marquée.
Puis l’idée d’avoir une plaque dans la tête, horrible !
En 1998, des médecins de l’hôpital L. étaient venus visiter les classes primaires. Ils implantaient ! Ils m’avaient annoncé que je ferais une très bonne patiente : non merci !!

J’ai décidé de passer les tests, je suis curieuse. Et m’imaginer entendre...pourquoi ne pas dévoiler ce rêve secret ? Car dans mes rêves, je ne suis jamais sourde.

  Je suis née entendante, enfin on le pense.
Vers l’âge de neuf ans en CM2, j’étais bonne élève mais j’avais une maîtresse qui ne m’aimait pas. Pourquoi ? Je ne m’y suis jamais arrêtée. Elle a donc décidé de me placer au dernier rang : de 20/20 je suis passée à 00/20 en dictée. Elle remarque bien que je confonds des sons et conseille ma mère d’aller voir une orthophoniste.
Je n’ai vu qu’une seule ortho de ma vie ( avant l’implantation) . Je ne me souviens plus de ce qu’elle a pu me dire mais j’ai détesté les orthos de suite et n’ai plus jamais voulu y retourner. Elle détecte des problèmes auditifs et nous envoie chez un ORL. L’ai- je détestée parce qu’elle a décelé ma surdité ?
Ah l' ORL de mon enfance et adolescence !!! Tout un programme à lui seul. Je suis malade me disait il !!! Ben non, je n’entends pas bien c’est tout. Il faut me faire appareiller, ben voyons...
(Une fille de 9 ans qui vient de perdre son grand père Louis et dont le père s’est barré avec ...)
Allons-y pour les prothèses !
On nous envoie chez D ., là un jeune Sylvain C  me prendra  en charge. Il est toujours mon audioprothésiste, il ne m’a jamais, jamais abandonnée.
Je ne me souviens pas d’avoir porté des prothèses avant l’âge de treize ans.
Après de multiples examens, j’aurais le nerf auditif défaillant donc surdité évolutive ( «  elle va devenir vraiment sourde »  Pourquoi ? Il y a de faux sourds? )

  Sylvain fera vraiment tout pour que je passe ma période d’adolescente sans être « pointée » .
Il me commande des intras jusqu’à ce qu’ils deviennent trop faibles. En 1999, je porte mes premiers contours : gros choc psychologique !
Raconter ma jeunesse, la relation avec les autres, avec les garçons pourrait être l’objet d’un autre journal. J’étais rebelle, chieuse, je refusais l’étiquette de sourde !
Je me suis toujours dit que je ne donnerais jamais ma place même 5 minutes à mon pire ennemi. C’est dire que c’était dur !
Toutes les réflexions de ma mère ( «  tu n’écoutes pas.. tu ne fais pas attention »), ben non maman je n’entendais pas tout simplement.

   J’ai une très bonne lecture labiale. J’ai tout de suite compris comment cela fonctionnait.
Ma surdité évolue, la suppléance mentale augmente.
Je passe du monde entendant au monde malentendant puis au monde des sourds.

J’ai toujours voulu être maîtresse, enseigner aux enfants. A la base, je voulais être prof d’anglais mais on m’a dit que c’était impossible à cause du travail d’écoute en laboratoire. Soit. Je deviendrais prof pour jeunes sourds. Je n’ai jamais regretté mon choix, jamais.

Tout bascule en février 2015 : je me réveille en pleine nuit par un énorme bruit : acouphènes !!! L’oreille droite meurt ... je n’entends plus... cela va empirer.

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